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Jean Carrière L’épervier de Maheux

Référence : Jean Carrière, « L’épervier de Maheux, » éditions Jean-Jacques Pauvert, 1972,  Livre de poche, 1976, isbn 2-253-00111-2

Prix Goncourt 1972

 

Maheux, hameau de Mazel-de-Mort dans le Haut-pays des Cévennes, lieu désolé de la pierre, des terribles saisons sans vraie transition aux couts étés torrides, aux solitudes glacées des hivers interminables. Un univers sans joie, impitoyable, où les Reilhan survivent tant bien que mal sur ces terres si pauvres qu’il faut lui arracher sa maigre pitance.

 

Les guerres, l’exode rural ont peu à peu accentuer la désertification, beaucoup de fermes ont progressivement été abandonnées, le pays se vide de ses habitants et les habitations tombent en ruine. Déclin inéluctable quand les routes remplacent les chemins et ouvrent la route de la ville. A la mort du père Reilhan, le fils aîné Abel reste seul sur ces mauvaises terres et ces landes, se nourrissant surtout de châtaignes, s’échinant à faire sortir de ce sol ingrat une maigre récolte.

 

Le père surnommé « le taciturne » va mourir dans le mastaba d’où il venait et le docteur Stéphan de Florac, après trois jours de recherches, ne peut que faire rapatrier le corps à Maheux. Cet homme, pense-t-il, était comme beaucoup d’autres, condamné à « vivre à la surface des choses. » Le « taciturne » était de ces hommes au destin tracé par cette terre déshéritée, de ceux qui vient une existence sans tenter de s’élever au-dessus de leur sort, écrasés par leur quotidien, sans s’opposer à ce qui apparaît comme « un phénomène irréductible aux seules lois objectives. » (page 151)

 

Le docteur Stéphan y voit « une soumission complaisante » propre à bien des hommes, une terre peuplée d’automates. Pour les Reilhan, les choses ont bien changé : la mère perd la tête, s’enfonce peu à peu dans son monde, Abel son fils aîné s’est marié avec Marie Dupuech qui regrette bien son village et mène une vie difficile de recluse à Maheux et son cadet Joseph qui travaille maintenant à Florac chez l’abbé Barthélémy, s’occupant surtout d’ouvrages religieux.

 

 

Abel aime, seul en forêt, abattre les arbres toute la journée, de l’aube au crépuscule. Parfois, un épervier tournoie au-dessus de lui, très haut dans le ciel avec une lenteur à la fois singulière et menaçante. Ainsi la ressent-il. Il tente bien de temps en temps de l’abattre mais sa vieille pétoire est bien impuissante à cette distance. Une autre idée fixe d’Abel était de vouloir percer la montagne, la perforer à force d’effort harassants, pour lui faire rendre cette eau si précieuse qu’il y pressent, une eau vitale pour la survie de Maheux et pour redonner de l’espoir à Marie.

 

Mais comme l’épervier,  elle se dérobe, se joue de lui, se refuse à lui malgré ce travail de forçat. Un travail qui le détruit, le laisse seul face à ce défit impossible : il a presque tout vendu et Marie est repartie dans son village chez son père. Même lui le père Dupuech n’a pu réussir à le raisonner. Solitude exacerbée par cet obsédant épervier qui semble suivre tous ses mouvements, qui tourne sans cesse au-dessus de lui pour lui rappeler son échec. Comme s’il n’avait cure de ce destin qu’il connaît déjà, qui lui collait aux basques comme la terre à la semelle du pauvre paysan, destin funeste plus fort que sa révolte magnifique et inutile.

 

Né en 1928 à Nîmes, Jean Carrière a publié une quinzaine d'ouvrages. Son premier roman "Retour à Uzès", paru en 1967, a reçu le prix de l'Académie Française. "L’Épervier de Maheux", prix Goncourt 1972, a été vendu à 1.7 million d'exemplaires et traduit en 14 langues. A noter, la parution de "Tombeau de Jean Carrière", de Jacques Hébrard (Domens, 7.50euros). (c) Sipa - Fabrice Demessence Jean Carirère chez lui dans le Gard

 Commentaires critiques

 

* Avec Carrière, en matière d’influence littéraire, « on peut songer, plus qu’à Giono ou à Chamson, à Faulkner et à la littérature américaine du "Deep South".

 

Notes et citations

 

* « La chance, c’est le plus souvent une grâce qui tombe sur ceux qui n’en ont pas besoin. » page 292

* « Le mépris qui récompense toutes ces mauvaises coucheries est un mélange affreux de désespoir et de lâcheté. » page 316

* « Lorsque le présent montre tant d’exigences, qui se soucierait du futur ? » Stevenson, Voyage en Cévennes sur un âne, cité page 211

* « Il n’y a de la part de l’homme que le monstrueux qui réponde au mystère de l’univers. » page 317

 

* Soirée avec Jean Carrière

* Jean Carrière est de retour

 

<<<<< Christian Broussas - Feyzin - 10 septembre 2013 - © • cjb • © >>>>>>>>

 



10/09/2013
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