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Le perroquet de Flaubert

Flaubert, Louise Colet et le pavillon de Croisset

 

« La haine du bourgeois est le commencement de la vertu. » Gustave Flaubert [1]

 

  

Gustave Flaubert et Louise Colet

 

Exit la maison de Gustave Flaubert à Croisset, qui laissa la place d’abord à une usine de fabrication d’alcool puis à une fabrique de papier, autant de feuilles blanches pour écrivains. Tout ce qui subsiste de Flaubert est un petit pavillon de plain-pied, à quelque cent mètres de la maison disparue, où l’écrivain se retirait parfois. A l’extérieur, un morceau de colonne cannelé rappelle l’auteur de Salammbô. A l’intérieur, une seule pièce carrée présente des témoignages de sa vie, portraits et photos, objets divers ayant appartenu à Flaubert : pipes et pot à tabac, coupe-papier et encrier en forme de crapaud ouvrant une large gueule, le Bouddha jadis posé sur son  bureau… Sur une armoire, trône un perroquet qui dut être d’un vert éclatant et qui en rappelle un autre, le Loulou de son roman "Un cœur simple".

 

 

"Un cœur simple" et le perroquet de Flaubert

 

Flaubert a souvent fait allusion à des perroquets, par exemple quand il explique à sa maîtresse Louise Colet l’attrait des pays étrangers quand, étant « enfants, nous désirons vivre dans la pays des perroquets et des dattes confites, » [2] lui dit aussi qu’on est tous oiseaux en cage comme « perroquets et vautours » [3] ou quand il compare la vanité à un perroquet qui « saute de branche en branche  et bavarde en pleine lumière. » [4] Pour madame Bovary, il cherche un style qui « pourra dominer la voix des perroquets et des cigales. » Dans Salammbô, il met sur la poitrine des interprètes un tatouage de perroquet, d’autres personnages portent des perroquets sur l’épaule tandis que le petit lit d’ivoire a « des coussins en plume de perroquet, animal fatidique consacré aux Dieux. » Si Flaubert pourfend la bourgeoisie à travers le pharmacien Homais qui reçoit la croix d’honneur le remplissant de vanité, il sera à son tour atteint par le virus et fait chevalier de la légion d’honneur, suprême ironie et répétition digne d’un perroquet.  

 

 

 

On le dit solitaire, on l’appellera même « l’ours de Croisset », et lui-même se compare à un ours –parfois à un ours blanc- a envie en juin 1845 d’acquérir un tableau d’ours  sous lequel il aurait inscrit « Portrait de Gustave Flaubert. » L’année suivante, il installe sur le plancher de son cabinet de travail une peau d’ours blanc sur laquelle « il aime s’y coucher dans le jour », confie-t-il à Louise Colet. [5] Il avait ainsi, comme avec le perroquet et l’ours, des affinités particulières avec certains animaux.

 

Flaubert ne croyait pas au progrès moral et jugeait son époque stupide, plus encore avec la guerre de 1870. [6] Il l’a trouvait comme Homais le pharmacien, faite de progrès, de rationalisme, de science et d’imposture, faisant référence à celui qui proclamait  qu’il fallait « marcher avec son siècle. » Il écrira aussi que « tout le rêve de la démocratie est d’élever le prolétariat au niveau de la bêtise bourgeoise. »

 

Il refusait cette manie de considérer une œuvre à l’aune de la biographie de l’auteur, désirant s’effacer, disparaître derrière elle, affirmant que « l’artiste doit s’arranger de façon à faire croire à la postérité qu’il n’a pas vécu. » Même s’il se reconnaît dans madame Bovary, il écrit, « dans l’idéal que j’ai de l’art… l’artiste ne doit pas plus apparaître dans son œuvre que Dieu dans la nature. L’homme n’est rien, l’œuvre tout ! » Il pense aussi que le style dépend avant tout du sujet traité, qu’il doit refléter les données objectives de la narration et qu’il constitue  in fine « la vérité de la pensée. »

 

 Notes et références

[1] Julian Barnes « Le perroquet de Flaubert », page 224

[2] Lettre à Louise Colet du 11 décembre 1846

[3] Lettre à Louise Colet du 27 mars 1853

[4] Lettre à Louise Colet du 9 décembre 1852

[5] Lettre à Louise Colet du 11 août 1846

[6] « Quoi qu’il advient, on restera stupides » écrivit Flaubert quand éclata la guerre de 1870

 

Voir aussi

 

* Maxime Du Camp, "Souvenirs littéraires", éditions Hachette, 1882-83, réédition 1999, Editions Aubier, 623 pages, gencod 978-2700716580

 

<<<<<< Christian Broussas - Feyzin - 5 septembre 2013 - © • cjb • © >>>>>>>>



09/09/2013
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