Marc Dugain La Malédiction d'Edgar
Marc Dugain
La Malédiction d'Edgar est un roman biographique de Marc Dugain paru en 2005. Il retrace, par l’intermédiaire du narrateur le numéro 2 du FBI, la vie de John Edgar Hoover qui occupa le poste de directeur du FBI de 1924 à 1972.
Référence : "La Malédiction d’Edgard", éditions Gallimard, collection Blanche, mars 2005, 336 pages, gencod 978-2-0707-7379-4
« Kennedy eut le flair de ne pas négliger l’Amérique de l’intérieur, celle qui participe d’un mythe dont elle ne profite jamais. » (page 188)
Sur les sources, l’auteur entretient d’entrée l’ambiguïté puisque s’il semble que le roman soit bâti sur les souvenirs du numéro deux du FBI Clyde Tolson, il laisse entendre que c’est peut-être un faux, avouant « J'avais acheté ce manuscrit sans en avoir lu une ligne. Faux, il m'intéressait autant que vrai.... La prétendue objectivité d'un mémorialiste est aussi nuisible à la vérité que l'intention de falsifier les faits ». Les souvenirs ne sont donc qu’une vérité recomposée, consciente selon l’objectif poursuivi, inconsciente au gré des caprices de la mémoire.
Le roman est en fait centré sur les relations singulières entre un service spécial comme le FBI, l’autocrate qui le dirige et le pouvoir politique représenté à l’époque par le président Roosvelt puis par la puissance du clan Kennedy, le père Joe Kennedy, arriviste et mégalomane, et l’élection à la présidence des États-Unis de John Fitzgerald Kennedy son fils puîné, avec les intrigues et la face cachée du pouvoir politique américain.
On assiste à la montée en puissance de cette famille fascinée par le pouvoir, l’argent confortant l’assise politique, les liens du père Joe Kennedy avec la mafia, les frasques sexuelles d’un président qui collectionne les aventures amoureuses, plus "dom juan"que bon amant. Le père est aussi important que gênant, très pro-allemand, que le président Roosvelt éloignera en le nommant ambassadeur en Grande-Bretagne juste avant la guerre. Le fils John qui a pendant la guerre une liaison assez sulfureuse avec Inga Arvad une belle danoise accusée d’espionnage en faveur de l’Allemagne.
John Edgar Hoover aurait profité de cette situation pour accentuer la lutte contre le communisme, sans obsession, au détriment de la lutte contre la corruption et la mafia, laissant à dessein pourrir la situation. Pour lui, tous les moyens sont bons pour atteindre ses buts, quitte à espionner et à violer la vie privée de toutes les personnes importants, se justifiant par la nécessité d'être informé sur les détenteurs du pouvoir, même s’il faut ensuite dénoncer leur conduite et leur nuire. Il aurait ainsi été mêlé à la conspiration qui a abouti à l’assassinat du président Kennedy.
Edgar Hoover dans son bureau
De son vivant, John Edgar Hoover a déjà été un homme très controversé. Accro du pouvoir, il en détestait les côtés aléatoires, le fait de devoir rendre des comptes à des électeurs dont il faisait peu de cas, devoir à ce peuple d’électeurs qu’il détestait et qui pouvait à intervalles réguliers menacer sa position et la réalité de son pouvoir. Il devint en presque un demi-siècle de règne, omnipotent et incontournable, tissant sa toile autour du président en exercice et éliminant par là-même toute autorité du ministre de la justice, pourtant son supérieur hiérarchique, devenant ainsi « l'unique mesure de la pertinence morale et politique.» Il s’est voulu le garant de la morale d’une certaine Amérique blanche, utilisant tous les moyens légaux ou pas pour , à travers des comptes rendus d'écoute et des fiches de renseignement, monter des dossiers –compromettants si possible- sur tout ce que le pays compte de personnalités influentes. Sans doute le secret de sa longévité à la tête du FBI.
Avec Harry Truman, les choses se gâtèrent. Ses dossiers à charge lui permirent de sauver son poste mais le soutien actif à Dewey le candidat républicain en 1948 n’arrangea rien. Truman essayera de le piéger en lui offrant le ministère de la justice… pour qu’il fasse le ménage et pouvoir ainsi le déconsidérer, mais il refusa. Hoover étoffa patiemment ses dossiers, laissant toute liberté à la mafia, jouant un rôle majeur dans le développement du maccartisme et la chasse aux communistes supposés. Ils gardèrent un œil sur les Kennedy et justement, le vieux Joe avait repris du service. Il a "acheté" une circonscription [1] à John qui fut quand même obligé de se battre pour gagner la primaire démocrate, ce qu’il traduira par « je dois bien avoir quelques qualités que mon père, malgré tout son fric, n’est pas en mesure d’acheter. » [2] La présidence républicaine d’Eisenhower fut par contre pain béni pour Edgar Hoover. Browner le nouveau ministre de la justice devint un ami, les liens se resserrèrent encore avec le vice-président Richard Nixon et les amis milliardaires texans furent récompensés par de nouvelles concession pétrolières de leur dons généreux à la campagne présidentielle. Il abandonna sans vergogne son ami le sénateur Mac Carthy sur le déclin. C’est alors que survint l’affaire Julius Rosenberg, déterrée par le FBI et qui n’eut de cesse de les faire condamner à mort.
Edgar Hoover et Clyde Tolson
Le moins qu’on puisse dire est que l’image des Kennedy n’est pas vraiment à leur avantage. John « traînait sa lassitude amusée d’héritier cynique, aigri de se devoir si peu. » Son frère Robert « était un petit jeune homme nerveux à la voix haut perchée dont le comportement de roquet, ne passait inaperçu pou personne. » Quant à Jacqueline Bouvier-Kennedy, c’est une arriviste contrairement à ce que pensait John, d’une beauté se résumant à son élégance, « les yeux trop loin l’un de l’autre, la poitrine presque enfoncée, des pieds trop grands et des jambes comme des cannes de billard. »
Joe Kennedy, le père et Robert "Bob" Kennedy
C’est une enquête sénatoriale qui obligea le FBI à investiguer la mafia alors que Hoover s’y était toujours étonné. Les écoutes illégales lui permirent de mettre à jour les relations entre mafieux et politiciens qui furent autant de pièces à conviction, de dossiers à opposer le cas échéant, aux politiciens. Hoover était ainsi en possession d’autant d’armes redoutables qui le rendaient redoutable, inamovible. Pour Hoover, John Fitzgerald Kennedy ne serait pas un président particulièrement redoutable. Après l’élection de John Kennedy, la nomination de son frère Robert comme ministre de la justice altéra profondément les relations avec Hoover et el FBI. Les deux hommes se détestaient et sur les actions à mener, Bob voulait privilégier la lutte contre al mafia plutôt que contre le communisme, la bête noire d’Hoover.
Contradiction qui aura des conséquences puisque Joe le père est lié à la mafia qui a soutenu John pendant la campagne électorale présidentielle, et connaît fort bien Giancana le chef mafieux qui devait tuer Fidel Castro juste avant le débarquement de la baie des Cochons. Il ne l’a pas fait et l’opération fut un fiasco. La tentative de rééditer cette opération n’aboutit jamais mais Bob poursuivit ses actions contre la mafia malgré les mises en garde d’Hoover et le rappel de l’aide mafieuse dans la victoire de John. Ceci d’autant plus que John Kennedy et le truand Giancana se partageait les charmes de la même maîtresse, la belle et lumineuse Judith Campbell Exner. La surveillance du FBI le mit sur la piste d’une énorme fraude sur l’attribution d’un marché public à l’avion F111 Gl Dynamics auquel le ministre Robert Mc Namara et John Kennedy auraient été mêlés. Mais bien sûr, l’enquête jamais n’aboutit.
Entre Edgar Hoover et le truand Meyer Lansky, c’est le modus vivendi, chacun possédant assez de dossiers pour neutraliser l’autre et expliquer la bienveillance d’Hoover et du FBI à l’égard du Milieu.
Les truands Sam Giancana et Meyer Lansky
Les Kennedy, le début de la fin
Lors de la crise cubaine qui vit la tentative d'implantation de missiles soviétiques, le président se mit à dos la hiérarchie militaire écartée des négociations et de la stratégie à mettre en application. Autres faits graves en rapport avec les pratiques sexuelles du président : l'une des ses maîtresses Ellen Rometsch est en fait une espionne est-allemande; la mort suspecte de Marilyne Monroë implique John Kennedy et surtout Bob son frère, qui ont été ses amants, une Marilyne alors en pleine dépression qui se répandaient sur les deux frères.
La théorie de l'auteur s'illustre dans cette phrase : « Kennedy est mort pat là où il avait péché; la mafia s'est substituée à l'Eternel. » Le FBI chargé de l'enquête est aussi chargé d'accréditer la thède du tireur isolé et part de cette idée empruntée à Hitler : « Plus un mensonge est gros, mieux il passe. » (page 267) Oswald était plus sûrement un leurre manipulé par des membres de la CIA et liquidé parla mafia pour s'assurer de son silence. Ce serait donc Marcello mafieux important et la mafia qui auraient organisé l'attentat, aidés de membres de la CIA et de groupes anti-castristes. [3] Clyde Tolson l'adjoint d'Hoover cherche à comprendre Bob Kennedy à travers la pensée d'Albert Camus à qui Bob s'était référé mais il est vraiment hermétique à l'écrivain français et à sa conception de l'existence.
Hoover professait un grand mépris pour Lyndon Jonhson et une véritable haine envers Bob Kennedy et une véritable haine envers Bob Kennedy. Son assassinat a les mêmes causes, repose sur la même technique que son frère : un isolé manipulé, Shiran Shiran, qui sert opportunément de bouc-émissaire. Le FBI savait tout ça, le rôle de chacun dans cette conjuration mais ne bougea pas. Hoover se contenta d'accumuler les documents, un joli matelas pour bien dormir et se protéger de ses ennemis.
Finalement, c'est son allié Richard Nixon qui aura sa peau en lui enjoignant de démissionner, de quitter son cher poste de directeur du FBI qui était toute sa vie. Mas, revers de l'histoire, la mort de John Edgar Hoover intervint quand éclata le scandale du Watergate, quand le président Nixon se vit accusé d'écoutes illégales, des faits qu’a commis Hoover toute sa vie.
Notes et références
[1] La 11ème circonscription comprenant Cambridge ainsi que les universités d’Havard et du MIT.
[2] John Fitzgerald Kennedy souffre de 2 handicaps : l’image de son frère aîné Joe junior, chouchou du père, mort en héros à la guerre, et sa santé fragile, souffrant parfois le martyr de sa colonne vertébrale qui s’effrite, dont on diagnostiquera qu’il est atteint de la maladie d’Addison
[3] La balle fatale ayant atteint John Kennedy à la tête aurait été tirée par un corse, un mercenaire du nom de Lucien Sarti
Extraits et citations
* « Dieu et la loi sont de la même essence… Mais le service du bien n’ouvre pas les portes de l’éternité. » page 27
* « La prétendue objectivité d’un mémorialiste est aussi nuisible à la vérité que l’intention de falsifier les faits. » page 19
* « Dans la vie, il y a ceux qui avancent et ceux qui excluent… Le pouvoir d’obstruer n’oblige jamais à rendre des comptes alors que celui de faire nécessite de se justifier en permanence.» page 42
* « La théorie de Freud repose sur l’idée qu’on est victime de soi-même, je trouve ça terriblement subversif. Tout devient excusable. » page 48
* « La compassion, c’est le modeste prix à payer pour se débarrasser du malheur d’autrui. » page 61
* « ... Les exigences de la politique où la duplicité s'exerce come un art. » page 279
Références et bibliographie
* La Malédiction d'Edgar, bande dessinée, dessins de Didier Chardez, en trois tomes, Casterman, 2007
* Interview de Marc Dugain à propos de son livre
<<<<<< Christian Broussas - Feyzin - juillet-août 2013 - © • cjb • © >>>>>>>>
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