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L'écrivain Roger Vailland en Charente

Roger Vailland à Gondeville chez Claude Roy
   

Roger Vailland et sa femme Elisabeth                   Autour de Roger Vailland

 

Après  les déconvenues italiennes -la Gauche, le Fronte democratido populare, avait été battue aux élections législatives du 18 avril 1948- Roger Vailland et Claude Roy reviennent en France et partent se reposer chez ce dernier dans son domaine de Marancheville à Gondeville en Charente, près de Jarnac.

A début, la mère de Claude gardait ses distances à l'égard de  Roger, elle le regardait de « l'œil d'une grand-mère de la comtesse de Ségur qui reçoit en vacances un personnage de Justice. » [1] Roger, comme le lui avait appris son père, aimait herboriser au fond du jardin. Il énervait cette brave dame quand il se piquait de vouloir lui apprendre l'art de "pincer" les plants de tomates, ne l'appelant alors plus "Roger" mais plutôt "ton ami Vailland".

Excédés par un journaliste, un cuistre qui s'était permis de  traiter de "prétentieuse boutade" la formule stendhalienne de "chasse au bonheur", ils entreprirent d'écrire sous le grand marronnier de la cour, une réponse défendant l'idée que bonheur et révolution ne sont pas incompatibles, intitulé « le bonheur moteur des révolutions. » [2] Pour eux, « le marxisme n'appauvrit pas la notion de bonheur. Il l'enrichit. » [3]

  Le célèbre 'jeune homme en colère' de Gondeville
Paul Strand et Claude Roy ( in. "la France de profil", La Guilde du Livre  Lausanne - 1952,  Aperture - 2001)

En homme qui se voulait organisé, Vailland répartissait son temps entre écrire, militer et se faire plaisir. En Charente, militer, c'était d'abord aller aider l'ami Jean Pronteau [4], figure connue du communiste actif. [5] Ils allèrent ainsi par les routes de Charente, le porter la 'bonne parole' dans les villages et les bourgades. De retour à Marancheville, ils écrivaient , herborisaient, se baignaient dans la Charente, la descendaient dans un canoë que Claude avait baptisé "Fabrice del Dongo". Ils récoltaient des plantes sur les coteaux au-dessus de la rivière et Roger en profitait pour donner d'un ton docte des cours cours de botanique [6] et,
 "en hommes de qualité", scandaient la phrase rituelle de Gobineau dans "Les Pléiades" : « Je suis un "Kalender", fils de roi de borgne de  l'œil droit. » [7]

Comme leurs héros préférés de Stendhal [8], ils assument leurs contradictions au rythme de leur vie qu'orchestrait Roger : tôt levés, après un copieux petit-déjeuner, ils décortiquaient une page de "'idéologie allemande" et de "Henri Brulard". [9] En soirée, ils filaient de préaux d'école en salles de petits cafés, aux réunions électorales. Et ils écrivaient pour « se tirer au clair. »

Retour à Paris où Roger rencontre enfin sa « licorne », celle qu'il attendait, venue un soir  au théâtre des Mathurins assister à la représentation de la première de Vailland, "Héloïse et Abélard". Élisabeth Naldi, sa "Lisina", est « une mince italienne au français plein de 'fading', les yeux aurés de bistre et vifs comme des perdrix, qui avait fait du théâtre et épousé un compositeur. » [10] Ils iraient bientôt s'aimer en Italie puis herboriser ensemble aux Allymes dans un coin retiré de l'Ain, à l'ombre de son château. 

 

L'entrée de la mairie de Gondeville          
Gondeville, entrée de la mairie                      Roger Vailland (de dos) et Claude Roy           

Notes et références
[1] Justine est un roman du marquis de Sade (cher à Vailland) 
[2] Lettre-article parue dans le journal Action où il écrivit à l'époque de nombreux articles. Celle-ci fut reprise après sa mort et incluse dans ses Écrits intimes
[3] Voir l'ouvrage que Franck Delorieux a consacré à Vailland en 2008, "Roger Vailland, libertinage et lutte des classes", en particulier le chapitre intitulé "Bonheur et communisme"
[4] Voir la Présentation de Jean Pronteau
[5] Vailland retrouvera le même type d'homme avec Henri Bourbon, député communiste de l'Ain, quand il vivra au Allymes, à Ambrieu-en-Bugey
[6] Vailland écrira la préface à une édition à Les Pléiades de Gobineau parue en 1960
[7] Vailland écrira un roman "Bon pied bon œil" où l'un des héroïnes Antoinette devient borgne de l'œil droit
[8] « Ce qui nous fait chérir  Julien, Fabrice, Lamiel, Lucien ou la Sanseverina, c'est l'appétit du bonheur qui prouve l'homme de cœur et la tête froide qui trouve les moyens de le satisfaire. Les héros de Stendhal  ne subissent pas , ils font leur destin. » Roger Vailland, Les mauvais coups
[9] L'idéologie allemande est un ouvrage de Karl Marx et Friedrich Engels, Henri Brulard un ouvrage autobiographique de Stendhal
[10] Extrait du récit "Nous" de son ami Claude Roy

   
La Charente à Gondeville                                        L'ancien château

Voir aussi
* Gondeville, un siècle de légendes
* La tombe de Vailland à Meillonnas
* Roger Vailland et Marc Garanger 

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26/06/2013
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