Clément VI pape limousin
Portrait de Clément VI
Pierre Roger, élu pape sous le nom de Clément VI, est issu d’une petite noblesse limousine du manoir de Maumont, austère édifice du granit coiffé de lauzes. Il naît en 1292 à Rosiers-d'Egletons de Guillaume Roger, seigneur de Rosiers, comte de Beaufort, et de Guillemette de La Mestre.
A la fin du XIIIème siècle, le Limousin était encore fief d’Angleterre, Saint-Louis l’ayant rétrocédé en 1259 au roi d’Angleterre Henri III lors du traité de Paris. Sous son apostolat relativement court de dix ans au XIVème siècle (1342-1352), Clément VI connaîtra l’avènement des Valois, les débuts de la guerre de Cent Ans et la terrible peste noire.
Le Palais neuf du pape Clément VI (La porte des Champeaux)
Sur une fresque du cloître de l’abbaye de Pontida (Italie, XVIème siècle), le pape apparaît paré de la tiare pontificale bien sûr, mais aussi avec d’une main le livre du théologien et de l’autre son bâton de pasteur. Pierre Roger quittera son Limousin natal pour suivre son noviciat au monastère auvergnat de La Chaise-Dieu et prononcer ses vœux de moine bénédictin. Comme il était doué, ses maîtres l’envoyèrent à l’Université de Paris étudier la théologie et le droit canon. Il s’imposa assez rapidement pour devenir cardinal de Rouen et jusqu’à être remarqué par le roi Philippe VI qui le fit chancelier. Son aura parmi ses pairs fit qu’il fut aisément choisi comme successeur de Benoît XII le 7 mai 1342.
Armoiries de Clément VI sur le palais des Papes à Avignon au dessus de l'entrée principale
Son premier souci fut d’harmoniser les relations entre la papauté et les empereurs romains germaniques. Habile diplomate, il encouragea la destitution de l’empereur Louis IV de Bavière, ennemi déclaré du pape Jean XXII (1316-1334), manœuvra pour favoriser l’élection de Charles de Luxembourg –futur empereur Charles IV- avec lequel il entretint des relations plus apaisées. Il parvint même à faire en sorte que l’empereur renonçât à sa suzeraineté sur la ville d’Avignon, peu après son acquisition.
Fresques de la chambre de Clément VI au palais des papes d'Avignon
Le pape en effet avait recueilli Jeanne d’Anjou, comtesse de Provence, après son éviction du trône de Naples, qui lui vendit en 1348 la ville d’Avignon et son territoire contre 80.000 florins d’or de Florence, monnaie de référence de l’époque. Il enracina ainsi la papauté dans son fief d’Avignon au moment où la situation romaine est toujours aussi erratique, la ville enjeu de luttes d’influence qui n’offre aucune stabilité, aucune sécurité pour un éventuel retour à Rome du pape et de la curie.
La reine Jeanne, comtesse de Provence et reine de Naples, enluminure du livre De mulieribus claris de Boccace
Son pontificat est rapidement marqué par un antagonisme franco-anglais qui dégénère en guerre quelques années après la mort sans postérité en 1328 du dernier fils de Philippe le Bel. Deux prétendants s’opposent : Philippe de Valois le neveu de Philippe le Bel et Edouard III d’Angleterre petit-fils de Philippe le Bel par sa mère. De par la loi Salique qui exclut la succession par les femmes, Philippe sixième du nom est devenu roi de France en 1328. Mais Edouard III persiste et déclenche en 1340 ce qu’on appellera la guerre de Cent Ans.
Clément VI use de ses dons de diplomate pour calmer le jeu, éviter « une dangereuse discorde, cause de carnage d’hommes et de l’effusion de sang chrétien » écrit-il aux deux protagonistes.
En fait, la guerre se décline en plusieurs batailles jusqu’au désastre de Crécy le 26 août 1346. Clément VI confie son désarroi à Jeanne de France, espérant que « Dieu Sauveur du monde, fera sortir le bien du mal et amènera les cœurs des rois à la paix et à la concorde » mais comptant aussi sur son entregent et son poids politique, il réussit à obtenir une trêve de deux ans, prolongée par la terrible peste noire qui sévit entre 1346 et 1353 ravageant le royaume. Dans le même temps, il s’occupe aussi d’organiser une nouvelle croisade avec la Sainte-Union méditerranéenne constituée de Venise, Chypre et Rhodes, qui fit long feu malgré la prise éphémère de Smyrne en octobre 1344.
Dans ses qualités figure le courage, sa détermination face aux événements. Il se dressa contre les persécutions des juifs après les massacres intervenus dans les pays germaniques, quitte à mécontenter certains nationalismes. Il lutta contre la peste noire qui décima Avignon en 1348, emportant au moins la moitié de la population, se dépensant sans compter pour apporter son aide à la population. Cependant, il fait preuve d’un grand népotisme et c’est ainsi qu’un de ses neveux deviendra le pape Grégoire XI (1370-78), ramenant le Saint-Siège à Rome.
La capitale de la chrétienté latine se devait de posséder un palais digne de son prestige. C’est à cette tâche qui s’attelle Clément VI, ainsi l’a-t-on parfois baptisé « le pape bâtisseur », faisant édifier le Palais-Neuf par l’architecte Jean de Louvre qui conçut les vaisseaux gothiques superposés de la Grande Audience et de la Chapelle Clémentine.
Clément VI denier noir : Avers : CLEMES PP SEXTVS, Buste du Pape de face et revers : + Comesvenesi, Croix cantonnée de deux clefs en sautoir.
Si de l’extérieur le palais reste une forteresse bien protégée, à l’intérieur, fresques et tentures recouvraient les murs. Parmi les nombreux peintres italiens auxquels le pape avait fait appel, « le peintre du pape » fut Matteo Giovanetti dont on peut encore admirer les prophètes du plafond de la Grande Audience, panorama invitant à la méditation. Le « Studium » de Clément VI, pièce privée réservée à la lecture et à l’étude, est décorée de motifs pastoraux, scènes de pêche et de chasse, lapins s’égayant sans des fourrés, jeux d’enfants, tout un ensemble profane dans ce haut lieu de la papauté.
Les ambitions politiques du pape, ces travaux dispendieux obéraient les finances et n’étaient pas du goût des trésoriers pontificaux, ce d’autant plus qu’il avait décidé de faire édifier un magnifique monument funéraire dans l’abbaye de sa jeunesse à La Chaise-Dieu (dans la Haute-Loire actuelle), alors en pleine reconstruction, une superbe église aux voûtes gothiques surbaissées, qui commençait à s’élever à la place de l’ancien édifice roman. L’ensemble fut détruit pendant les guerres de religion sauf l’admirable gisant de marbre blanc du souverain pontife. Si Clément VI a été à son époque un potentat théocratique, il apparaît aussi à certains égards, par sa munificence, son influence, son équation personnelle, comme un personnage de la Renaissance qui avait construit, écrivit le grand chroniqueur Jean Froissard, « la plus belle et la plus forte maison du monde. »
Gisant du pape Clément VI dans l'abbatiale de la Chaise-Dieu
Sur le Limousin, Voir aussi
* L'or du Limousin * Le prince Zizim en Limousin
* Limousin D'un lac à l'autre *
<<<<<<<< Christian Broussas - Feyzin - 27 juin 2013 - © • cjb • © >>>>>>>>>>>>
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